Natalie Dupuis a rédigé une dissertation approfondie sur les différents points de couchure, après avoir mené des recherches minutieuses sur le terrain et consulté une bibliographie abondante. Pour Le Temps de Broder, elle a généreusement accepté que son travail soit résumé et traduit.
Broderie d’or et point de Boulogne
En broderie d’or, une des techniques les plus élégantes de la broderie fait main, le simple point de couchure est souvent utilisé. Le Point de Boulogne, comme il est appelé en français, permet de fixer un fil avec un autre. Bien que théoriquement simple, ce point exige une grande précision. Cet ouvrage, richement illustré, retrace l’utilisation du point de Boulogne du Moyen-Âge à nos jours, et espère enrichir la connaissance des différentes techniques de couchure : couchure invisible, en motifs, diaprée, or nué, italienne, de Damas, en vermicelle, et les variations contemporaines.
Les techniques
La couchure invisible
Cette technique a atteint son apogée pendant l’Opus Anglicanum (1250-1350). Connue également sous les noms de couché rentré, point couché ou point retiré, elle garantissait une grande souplesse aux vêtements brodés. Utilisée en France, en Sicile et en Italie, cette méthode consiste à coucher un fil de métal sur le tissu en le fixant par un fil de couchure, qui disparaît à l’arrière du tissu, créant une minuscule boucle pour une grande souplesse et une résistance accrue à l’usure.
Les exemples de cette technique sont visibles dans le catalogue English Medieval Embroidery : Opus Anglicanum (2016), avec des pièces remarquables exposées au Victoria and Albert Museum de Londres.
La couchure diaprée
L’origine du terme « diaprée » remonte à la dynastie Shang en Chine (1766-1122 avant JC), désignant des tissus de soie à motifs géométriques. Cette technique, adoptée en Angleterre au 14ème siècle, a évolué en réduisant la densité des points de couchure pour laisser de larges zones libres. Magnifiquement illustrée dans le catalogue Middeleeuwse Borduurkunst uit de Nederlanden (2015), la couchure diaprée utilise des motifs géométriques tels que les diamants et chevrons, visibles aussi dans des broderies japonaises (Kogin) et norvégiennes (Smøyg).
La couchure en motifs
Cette technique consiste à répéter un motif régulier, par exemple des lignes diagonales ou en spirale. Souvent confondue avec la couchure diaprée, la différence réside dans l’absence de motifs en losange pour la couchure en motifs.
L’or nué
Originaire de Belgique au 15ème siècle, l’or nué permet de créer des nuances subtiles et des effets de lumière tout en faisant briller les fils d’or. Utilisée pour les broderies ecclésiales, cette technique se distingue par ses motifs toujours figuratifs, sans rembourrage, brodés sur du lin ou de la soie. Le renouveau de cette technique au 20ème siècle est attribué à Beryl Dean. Les œuvres en or nué nécessitent des années de travail, révélant la brillance des fils d’or avec une précision extrême.
Le point d’ombre italien (Italian Shading)
Ce terme, inventé par Beryl Dean, désigne une technique où les points suivent le mouvement des motifs. Utilisée dès le 15ème siècle, elle est visible dans les œuvres d’artistes contemporains comme Ruth O’Leary, Becky Hogg, et Helen McCook.
La couchure de Damas
Cette méthode crée des motifs de boucle en couchant des fils métalliques, laissant de larges portions de tissu visibles. Souvent confondue avec la couchure en vermicelle, elle se distingue par des dessins réguliers.
La couchure en vermicelle
Ici, le fil de métal est couché en suivant des tours et des détours irréguliers, rappelant les mouvements d’un ver.
La couchure italienne
Cette technique consiste à coucher les fils de métal autour des contours des motifs, permettant aux dessins de mieux ressortir, qu’ils soient figuratifs ou géométriques.
L’avenir de la broderie d’or
Les artistes contemporains explorent sans cesse de nouvelles combinaisons et effets, notamment en ajoutant du relief. Marie-Renée Otis, par exemple, a utilisé des points de couchure sur un dessin de tissu damassé pour accentuer un motif de visage. L’avenir de la broderie d’or est prometteur, avec des combinaisons innovantes et des techniques enrichies par les créateurs d’aujourd’hui.
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