En 2019, le boutis a été reconnu par le Patrimoine Culturel Immatériel de France. Avant de célébrer cette reconnaissance, nous vous proposons un voyage à travers l’histoire de cette technique. Un grand merci à France Boutis pour le partage de ses connaissances précieuses.
Une technique millénaire
Le boutis, apparenté au matelassage, trouve ses origines en Chine sous la dynastie Han (-206 avant J.-C./+220 après J.-C.). En évoquant la broderie emboutie ou le boutis, on pense immédiatement à Marseille, tant cette ville et cette technique sont intimement liées depuis le 16ème siècle jusqu’à nos jours.
Marseille, porte de l’Orient
Marseille, ville portuaire ouverte sur la Méditerranée et l’Orient, a été pionnière dans la maîtrise des techniques de piqûre originaires d’Orient. Dès le 13ème siècle, les artisans marseillais transformaient les toiles de coton venues d’Égypte et de Syrie. Le coton est essentiel pour cette broderie en relief, parfaitement adaptée au linge de toilette comme les chauffoirs, brassières et maillots.
Les variantes historiques
Les termes « Piqûre de Marseille » et « Broderie de Marseille » désignent deux variantes historiques de la technique du boutis, dont les premiers témoignages écrits datent des 17ème et 18ème siècles.
La piqûre de Marseille :
- Réalisée par les brodeurs futainiers et cotonniers de Marseille du 16ème siècle jusqu’en 1765.
- Cette technique introduit un fil torsadé, vermiculé ou cordé, entre deux couches de textile ornées de motifs exécutés au point de piqûre (point arrière).
La broderie de Marseille :
- Une version domestique et simplifiée de la piqûre de Marseille.
- Elle a connu un grand essor après la dissolution du corps des brodeurs en 1765.
- Les femmes de condition populaire la pratiquaient pour une clientèle bourgeoise, utilisant des points avant plus rapides et économes en fil.
Le succès international
En 1688, Gaspard Carfeuil, un important négociant marseillais, décrit dans un mémoire destiné à la Chambre de Commerce de Marseille le vif succès de cette broderie en relief. Les brodeurs marseillais sublimèrent des étoffes peu coûteuses, exportant leurs créations dans les cours européennes et même jusqu’aux îles.
Un héritage précieux
Des pièces de boutis conservées dans de grandes collections témoignent de la qualité exceptionnelle du travail marseillais dès la fin du 17ème siècle. Lors de l’exposition « Pierre Le Grand, un tsar en France, 1717 » au Grand Trianon de Versailles (30 mai-24 septembre 2017), un gilet en broderie de Marseille porté par le tsar de Russie en 1717 fut présenté. Des inventaires de 1725 et 1750 mentionnent également des commandes de broderie de Marseille par Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, ainsi que dans un inventaire de 1779 relatif à la princesse de Condé.
Ainsi, le boutis continue de briller, témoignage d’un savoir-faire artisanal unique et précieux, ancré dans l’histoire et la culture provençale.