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May Morris – une éminente artiste brodeuse

May Morris, une artiste anglaise aux multiples talents, est née au sein d’une famille d’artistes influente sur l’art britannique de la fin du 19ème siècle. Son père, William Morris, prônait un retour à un art authentique, mettant en avant le travail des artisans par opposition aux machines industrielles de plus en plus omniprésentes.

Chez les Morris, les expériences artistiques étaient nombreuses : vitraux, papiers peints, œuvres en bois ou en métal, céramique, bijoux et surtout broderie et tapisserie. Jane, la mère de May, brodait souvent avec sa sœur et a enseigné cet art à ses filles. Dès son plus jeune âge, May a démontré des compétences remarquables avec une aiguille, ainsi que dans la création et le dessin de nouveaux modèles.

Relativement méconnue du grand public, qui s’est davantage intéressé à son père, May Morris a pourtant eu une vie riche en accomplissements, surtout pour une femme née en 1862. À seulement 23 ans, elle a pris la direction du Département Broderie de l’entreprise de son père. Elle a brodé et créé un nombre incroyable de modèles, souvent dans un style floral stylisé. Elle a promu des conditions de travail plus humaines, offrant des journées de 8 heures, un salaire décent régulièrement augmenté et une formation continue, à une époque où les ateliers fonctionnaient sur un modèle quasi-esclavagiste.

Élevée dans un environnement unique de liberté et de réflexion sociale, May Morris a joué un rôle majeur en tant que figure emblématique du mouvement des femmes. Son art et la diffusion des œuvres de son père sont restés au cœur de sa vie jusqu’à sa mort en 1938.

Un livre détaillé publié en 2017 retrace cette vie unique, présentant un grand nombre de ses œuvres en broderie, dessins pour papiers-peints, bijoux, couvertures de livres et vêtements. Ses œuvres se trouvent principalement dans des collections privées, rendant leur reproduction difficile. Cet article s’appuie sur quelques œuvres conservées au Victoria and Albert Museum.

Parmi cette collection, plusieurs kits commencés par May montrent ses broderies dessinées sur un tissu avec les premiers points déjà réalisés. La brodeuse amateur pouvait ainsi observer les points utilisés et terminer le kit elle-même. La broderie était un passe-temps courant pour les femmes de bonne famille à l’époque victorienne, mais la mode du canevas (ou BerlinWork) commençait à éclipser les points traditionnels au profit du demi-point de croix, ce qui irritait William Morris. Les kits qu’il concevait visaient à renouer avec une broderie artistique et unique, faite à main levée.

Dans le registre de commandes de Morris & C°, de nombreux kits sont notés comme “started” (commencé). Ces kits étaient vendus dans le monde entier, notamment aux États-Unis et en Australie. Les femmes riches de l’époque, quand elles le pouvaient, commandaient du linge déjà brodé par les ateliers William Morris and C°. Les commandes incluaient des tapisseries murales, broderies pour fauteuils et canapés, tapis de table, rideaux, etc., et May Morris supervisait toutes ces commandes.

En 1907, elle a fondé la Guilde féminine des Arts pour soutenir les artistes indépendantes, alors que la Guilde des Travailleurs d’Art n’a accepté les femmes qu’en 1972. Pendant la Première Guerre mondiale, elle a organisé de petites expositions pour aider les artistes durement touchés par les événements, un écho étonnamment actuel.

May, comme son père, appréciait l’authenticité : teintures naturelles, tissus et fils de haute qualité et techniques traditionnelles. Par exemple, les dessins n’étaient pas imprimés à la machine mais selon la technique du poncif. Les dessins de May étaient particulièrement prisés : en tant qu’artiste visuelle et brodeuse, elle savait concevoir sur papier ce qui allait prendre vie avec les fils. Son père avait quelques notions de broderie mais était surtout un artiste visuel, tandis que sa mère était une brodeuse accomplie mais pas une artiste.

Acanthus – Cette tenture murale issue de la collection de May présente un dessin traditionnel de William Morris, mais les points et les couleurs choisis (deux autres exemples existent dans des collections privées) transforment l’œuvre. Le bleu, couleur préférée de May, est ici omniprésent : « Choisissez une teinte avec une tonalité légèrement grise comme dans la teinture indigo. Elle ne doit pas être trop ardoise ni trop chaude, ni trop froide, ni tendre vers le bleu-vert librement surnommé Bleu Paon. La teinte idéale doit parfois rappeler le bleu-gris des paysages lointains et parfois l’intense bleu du ciel de midi – si une teinte peut y parvenir. »

Flower pot – Cette œuvre montre la liberté artistique de May par rapport aux dessins de son père. Elle utilise le fond en laine comme teinte principale, avec peu de points (point de chaînette, point de tige et un peu de passé plat). Elle ajoute quelques points avant pour que la lumière joue sur la broderie. Ce motif pouvait être brodé en entier ou partiellement comme kit.

Portière – Une portière dessinée par May Morris a été achetée par une cliente régulière, Mme Theodosia Middlemore, en 1893. La broderie, terminée un an plus tard, est signée par la brodeuse. Une photo montre cette dame corsetée, penchée sur son travail, la pièce reposant sur une table et sur sa jupe. Le bleu de May est omniprésent. La broderie utilise divers points : reprise, tige, chausson, feston, nœud allongé et couchure.

Moufles – Brodées par May pour le baptême de Daniel Sturge Moore, ces moufles de 7 cm s’inspirent des broderies élisabéthaines avec des motifs de papillons, feuilles et fleurs au passé plat, point fendu, point de Boulogne et petit point, ornées de rosettes de soie et de perles.

Dessin floral – Ce dessin, bien que représentant des fleurs anglaises, évoque des influences diverses : vrilles de vigne comme des nœuds celtiques, pétales de tulipes à la manière de l’art floral perse, et bordures japonaises. Le fond est au point de reprise horizontal, suivant les courbes des motifs. Les dessins sont délimités au point de tige, avec des points de passé plat.

Nappe – Commandée par la sœur de William Morris, Isabella Gilmore, et dessinée par Philip Webb, la nappe est ornée de fils d’or couchés selon plusieurs techniques, dont le Point de Bayeux, point de tige, point fendu et points de nœuds. Envoyée à Paris pour une exposition en 1914, elle a été cachée pendant la guerre dans les caves du Louvre et est retournée en Angleterre en 1919.

nappe dautel brodee par may morris

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