Un univers étincelant
Le monde des paillettes est étroitement lié à la broderie, surtout en Haute couture. Ces petites pièces colorées ont une riche histoire d’outils, de chimie et de rencontres. La Manufacture Langlois-Martin est la dernière en France à produire des paillettes. J’ai eu la chance de discuter longuement avec Jean-Baptiste Drachkovitch, un des propriétaires, qui m’a dévoilé presque tous les secrets de cet univers fascinant.
Une histoire ancienne
Des paillettes métalliques aux paillettes en gélatine
Jusqu’au 18ème siècle, les paillettes étaient en métal (argent ou or), mais leur poids et coût limitaient leur usage. On a alors eu l’idée de les couper dans des feuilles de gélatine (la même que celle utilisée en cuisine). À l’œil nu, elles ressemblaient aux paillettes en plastique, mais elles fondaient à la vapeur. Ces paillettes métalliques sont encore fabriquées par ceux qui produisent des fils métalliques comme le jaseron ou la cannetille.
L’essor des manufactures
Les premières manufactures datent de 1869, avec un pic de 70 en France. Trois innovations à la fin du 19ème siècle ont favorisé leur développement : l’arrivée de la Haute couture avec la maison Worth, l’utilisation du crochet de Lunéville pour broder rapidement et l’importation de perles en verre d’Italie et de Bohême. Les années 1920-1930 ont vu une véritable folie des vêtements et accessoires recouverts de paillettes et de perles.
Evolution des matériaux
De la cellulose à l’acétate
Après la Seconde Guerre mondiale, les paillettes étaient principalement fabriquées à partir d’acétate de cellulose et de PVC, le polyester arrivant plus tard. L’acétate de cellulose, bien que connu depuis 1864, n’était pas encore utilisé pour les paillettes.
La création de Langlois-Martin
En 1919, Marcel Langlois a fondé une maison qui est restée dans la famille pendant trois générations. Dans les années 40-60, les manufactures les plus solides ont racheté les plus faibles. En 1976, il ne restait que trois manufactures, et en 2001, Langlois-Martin était la dernière.
L’arrivée de Jean-Baptiste Drachkovitch
Jean-Baptiste Drachkovitch, initialement destiné à la philosophie, s’est finalement tourné vers la mode dans les années 80. Formé au design et au modélisme, il a aussi appris la broderie chez Lesage. Plus tard, il a appris que la famille Langlois-Martin souhaitait vendre leur manufacture. Avec son ami Pascal Bernard, il en est devenu propriétaire. La manufacture, située à Noisy-le-Sec près de Paris, a été déplacée en Normandie juste avant la pandémie.
Une petite équipe, un grand savoir-faire
Avec une équipe de seulement cinq personnes, il n’y a pas de formation officielle pour ce métier. Les artisans apprennent sur le terrain, nécessitant précision, force et habileté manuelle.
Une technique unique
Des outils historiques
Langlois-Martin dispose de 5000 outils en acier trempé, certains pesant jusqu’à 25 kg. La fabrication d’un outil similaire aujourd’hui coûterait environ 10 000 euros. Chaque outil, de taille unique, découpe les plaques d’acétate selon des formes spécifiques.
Choix et production
Les clients choisissent parmi 5000 formes et 1600 couleurs. La production repose à 80% sur l’acétate, plus écologique et fabriqué en Europe. La coloration se fait parfois à la main, réduisant la perte de vernis à 20% contre 80% pour le vernissage en machine.
Machines et découpage
Les outils sont insérés dans un découpoir à balancier qui coupe les paillettes selon la forme choisie. Pour les commandes de Haute couture, les motifs sont ornementaux, nécessitant des machines artisanales. Les machines automatisées produisent en grande quantité les paillettes classiques.
Un métier de passion
Jean-Baptiste Drachkovitch souligne que ce métier est avant tout une passion, avec une éthique respectueuse de l’écologie et du travail des créateurs. Langlois-Martin travaille avec des artistes et de petits clients, offrant des produits uniques.
Un avenir prometteur
En France, il ne reste que six grands ateliers de brodeurs capables de commander facilement. De petits ateliers émergent, mais beaucoup passent par des artisans indiens. Aucune autre manufacture ne peut reproduire les 5000 formes de Langlois-Martin, un gage d’un avenir assuré.