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Katrin Vates – atmosphères brodées

Ses œuvres brodées évoquent une douce mélancolie, des souvenirs voilés de brume, et une tendresse particulière pour notre belle Terre…

Qui êtes-vous ? Je suis graphiste de profession, et également illustratrice spécialisée dans le style anime, une forme d’art venant du Japon. J’adore dessiner des personnages d’anime, mais je n’ai jamais peint de paysages. Si on m’avait dit que je finirais par broder exclusivement des paysages, je ne l’aurais pas cru.

Bien que j’aie reçu une formation artistique, je n’étais pas une élève très assidue. J’ai réellement amélioré mes compétences en dessin par moi-même, bien après avoir obtenu mon diplôme. Cependant, mon éducation artistique m’a donné une solide compréhension des bases du dessin. Au départ, j’étais passionnée par le dessin de personnages de manga et d’anime, ce qui m’a conduit à maîtriser l’anatomie mieux qu’à l’université.

Ma passion pour la broderie a commencé il y a environ trois ans. Comme beaucoup de femmes, j’ai découvert ce nouveau hobby en restant à la maison avec un enfant. Aujourd’hui, je vis aux États-Unis avec ma famille, élevant deux enfants et espérant continuer à broder aussi longtemps que possible.

Quelle est votre histoire avec la broderie ? Je suis autodidacte. J’ai grandi et étudié en Union soviétique, à une époque où il n’existait pas d’écoles de broderie ni de magnifiques livres de broderie comme aujourd’hui. Les ressources étaient limitées à de simples schémas de point de croix, des motifs merezhka et de petites illustrations florales pour les broderies à plat. Les informations sur les techniques de points décoratifs étaient aussi rares, et l’accent était mis sur la décoration.

Adolescente, je brodais parfois des serviettes, mais cette période n’a pas réellement influencé mes compétences en broderie. J’ai commencé sérieusement à broder à l’âge de 42 ans, après la naissance de mon deuxième fils. En cherchant des broderies pour décorer notre nouvel appartement, rien ne me plaisait. Inspirée par les belles broderies partagées par une abonnée sur mon blog créatif, j’ai décidé de m’y remettre.

Au début, mes broderies étaient de mauvaise qualité car je ne dessinais pas de motifs détaillés et ne prévoyais pas les couleurs à l’avance. Cela m’a amenée à adopter une méthode proche du « zuihitsu » japonais, en suivant simplement le fil de ma pensée. Je ne planifie pas les motifs ni les couleurs précisément, seulement les grandes lignes, comme les couleurs chaudes pour l’automne.

Aujourd’hui, je brode de cette façon, en suivant mon inspiration. La plupart de mes œuvres, à l’exception des premières, sont sur mon blog. Je ne reproduis pas fidèlement les paysages vus dans les films, sur YouTube ou sur des photos, mais je brode ce qui me plaît et ce qui me rappelle quelque chose.

Quel genre d’endroits, de paysages vous ont vu grandir ? Quelle influence ont-ils eu sur votre travail ? J’ai grandi dans une petite ville sibérienne entourée de montagnes. La nature de la Sibérie, bien que moins variée que celle du sud, est d’une beauté impressionnante. Une réserve naturelle proche, Stolby, a marqué mon enfance et m’a beaucoup inspirée dans mes broderies de montagnes et collines. En Amérique, la diversité des arbres et des nuances de verdure m’a également influencée.

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir artiste ? Dessiner a toujours été naturel pour moi. Enfant, je passais des heures à contempler les illustrations de mes livres, renforçant ainsi ma décision de devenir artiste.

Quel matériel utilisez-vous ? J’ai essayé différents types de tissus comme le lin, la laine et le coton fin, mais mon préféré est une toile dense non apprêtée utilisée par les peintres. Je préfère ce tissu car je n’aime pas utiliser des tambours ou des cadres pour broder.

Ressentez-vous le besoin de travailler sur différents sujets ? Sur un tissu ou un support différent ? Avec des fils différents ? Pas pour l’instant. Je préfère la simplicité de ma méthode actuelle et j’aime la flexibilité de pouvoir travailler partout. J’utilise principalement des fils DMC et parfois des fils de la marque russe « Gamma ». Je prévois d’essayer les fils « Cosmo » et d’intégrer de la soie ou des fils brillants dans mes futures broderies.

Comment choisissez-vous votre matériel ? Je sélectionne mes tissus en fonction de leur texture, couleur et capacité d’étirement. J’ai trouvé que la toile utilisée par les peintres est idéale pour ma technique, bien que je ne la recommande pas pour la broderie au passé plat ou avec des fils de soie.

Comment est votre atelier ? Je n’ai pas de lieu de travail fixe. Je brode là où je me sens à l’aise, parfois même dans la voiture. Mes accessoires de broderie sont bien organisés dans un panier en feutre et un étui de tablette, facilitant le transport et le rangement.

Comment aimez-vous travailler ? Je brode à tout moment de la journée, souvent en écoutant des livres audio ou des vidéos YouTube. J’apprécie particulièrement les chaînes sur l’histoire de la mode et les thrillers littéraires.

Comment vous sentez-vous quand une pièce est terminée ? Les derniers points d’une broderie sont une grande joie pour moi. Après avoir terminé une pièce, je la lave, la sèche, puis la repasse avant de la mettre dans un cadre. Je célèbre souvent en m’offrant un café au lait et une pâtisserie dans un café.

Y a-t-il une pièce (ou plus) dont vous ne pouvez tout simplement pas vous séparer ? Je peux me séparer de n’importe laquelle de mes œuvres. Bien que j’y consacre beaucoup de temps, j’espère qu’elles trouveront des foyers où elles seront appréciées.

Que souhaitez-vous nous offrir avec votre art ? Je cherche à transmettre une ambiance à travers mes broderies, à créer des œuvres qui évoquent plus que de simples éléments naturels.

Si vous n’aviez pas été artiste, quel autre métier vous aurait intéressé ? J’aurais pu m’intéresser à des professions liées aux plantes, comme les jardins japonais ou l’ikebana. J’aurais aussi aimé être architecte d’intérieur ou travailler dans des domaines liés à la littérature et à l’art.

Pensez-vous que nous avons besoin de plus de rêves et d’espoir en cette période de pandémie ? Absolument. La pandémie a été difficile pour beaucoup de gens, et l’espoir est plus important que jamais.

Pensez-vous au prochain travail pendant que vous travaillez ? Avez-vous une ou plusieurs pièces à la fois ? Oui, toujours. J’ai généralement plusieurs idées en tête et travaille souvent sur deux broderies simultanément.

Quels sont les autres arts qui vous entourent ? J’apprécie diverses formes d’art, notamment les peintures anciennes chinoises et japonaises, l’art graphique, et la littérature gothique et fantastique. Mes préférences musicales sont très variées, allant de la musique de Enya à des groupes de rock russes.

Quels sont les autres artistes brodeurs que vous admirez ? Il y a tant de brodeurs talentueux dans le monde. Parmi ceux que j’admire, il y a @cunhyiyi pour son choix de couleurs, @crewelandkind pour son projet de carte brodée de Central Park, et @konekono_kitsune pour ses broderies de légumes et champignons.

Exposez-vous votre travail ? Ma première exposition aura lieu en mai 2021 à Baltimore, organisée par l’artiste américaine Clara Bowe. Elle mettra en avant les œuvres de cinq femmes artistes autodidactes.

Quels sont vos projets ? Je continue d’explorer différents états de la nature et du temps dans mes broderies, en essayant de nouveaux fils métalliques et de soie, et en créant des paysages variés, des montagnes aux plaines.

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