Amy Louise Baker – une brodeuse scientifique passionnée de mousse et de lichens!

08/10/2019

Amy Louise Baker est une artiste anglaise qui expérimente plusieurs arts des fibres comme le tissage et la broderie pour réaliser des versions abstraites et pleines de vie de mousses et de lichens.
Diplômée en Biologie et en Communication graphique, elle combine son amour pour ses deux sujets à travers son travail textile.
Découverte

©Amy Louise Baker: Moss Patch, 2019
13 x 13 cm, broderie

Racontez-nous vos débuts avec les tissus
D’une manière ou d’une autre, j’ai toujours été intéressée par les tissus. Je voulais fabriquer mes propres jouets et j’ai pris de vieux t-shirt et des chaussettes pour faire des poupées et des animaux remplis de coton. Je leur faisais des accessoires et des vêtements aussi. Ils étaient assez grossiers, mais je les adorais !
Puis j’ai un peu abandonné cette recherche jusqu’à ce que je voie une magnifique broderie abstraite sur mon compte Instagram. J’ai tout de suite été attirée par cette surface structurée et tactile et j’ai voulu savoir comment elle avait été faite. Je me suis lancée dans une recherche frénétique sur les arts textile. J’étais fascinée par la variété des techniques et des motifs, toutes ces textures qu’on peut créer juste avec du fil et du tissu.

©Amy Louise Baker: Pink And Blue (Détail), 2017,
15.2 x 15.2 cm, Encre sur tissu, broderie
©Amy Louise Baker: Circular Horizon, 2018
45.7 cm de diamètre. Tissage et laine

J’ai commencé par mélanger des encres sur de la toile puis à broder des points abstraits par-dessus. J’ai acheté un métier à tisser dans la section Enfants, à Ikea ! J’ai appris seule la base du tissage, en utilisant une laine épaisse et irrégulière. Je me souviens avoir pensé que cela commençait à ressembler à de la mousse et que c’était là certainement une direction à explorer, une source d’inspiration. C’est là qu’est née ma fascination pour cet art.

©Amy Louise Baker: Moss Cluster (détails), 2019
20.3 cm de diameter. Broderie, feutrine, perles.

Quel a été le rôle de votre éduction dans votre art ?
Ma grand-mère et ma mère sont toutes les deux des couturières accomplies et j’ai toujours été entourée de tissus. Elles faisaient les vêtements de ma sœur et moi et tricotaient nos pulls.
Je me souviens qu’elles avaient des paniers pleins de fils de toutes les couleurs que j’adorais regarder. Elles faisaient aussi du point de croix et ma mère m’a acheté mon premier kit de débutant. Mon père aimait bricoler aussi, et son garage était remplis de tous les outils imaginables. Je pense que tout ça m’a permis de développer très tôt ma créativité.

Racontez-nous votre chemin d’artiste
Au secondaire, j’étais dans une école qui offrait un cursus focalisé sur l’art et j’ai pu suivre plusieurs cours. J’aimais aussi beaucoup les sciences. Entre les deux, mon cœur hésitait. Comme je ne savais pas quoi choisir, j’ai suivi les deux voies en arrivant à la fac : chimie, biologie, géologie, art et dessin. Je ne passais pas inaperçue avec mon carton à dessins dans le labo des sciences ! A la fin de la première année, on devait renoncer à un sujet. Mes notes en Art et Dessin n’étant pas celles que j’espérais, je me suis dirigée vers les sciences.
J’ai fini par être diplômée en biologie de l’Université de York. Pendant toutes ces années, je n’ai presque plus rien créé.
Au fond de moi je savais que je voulais fabriquer des choses, mais je pensais que c’était une option impossible pour moi. Quand j’ai cherché un travail, les seuls postes qui m’intéressaient étaient les postes créatifs. Mais je n’avais pas les bons diplômes ! Un soir, dans un pub, j’ai rencontré une femme qui m’a demandé ce que je faisais. J’ai répondu que j’avais un diplôme en biologie. Elle me demande alors ce que je voudrais faire vraiment. Je réponds : « Être une artiste, faire quelque chose de créatif. » Elle m’a alors encouragée à me lancer. Cette simple conversation a tout changé pour moi.

Après quelques déboires et des difficultés à rassembler les finances nécessaires, j’ai fini par m’inscrire à l’Université de Kingston-upon-Thames pour un cours en Communication graphique. Ces cours étaient très réputés, mais c’était une époque mitigée pour moi. Je me retrouvais à 24 ans avec des jeunes de 18 ans, j’habitais encore chez mes parents, je travaillais dans les pubs pour gagner un peu d’argent, alors que tous mes amis avaient un bon travail, s’installaient, fondaient leur famille. Mais, une fois mon diplôme en poche en 2011 j’ai pu enfin travailler comme illustratrice et graphiste – ce qui me rend très heureuse.

En 2016 je suis partie à Vancouver (Canada). Ce fut un tournant important pour moi au niveau de ma créativité, comme un nouveau départ. Avant, je n’avais aucune confiance dans mes capacités. Je me disais que je n’étais pas une vraie artiste, je n’avais pas les diplômes pour ça. Et je savais aussi combien c’était difficile de vivre en tant qu’artiste.
En arrivant à Vancouver j’ai eu la chance de trouver un travail qui m’offre une grande liberté créative. Je me suis enfin sentie libre de créer. Déménager au Canada m’a permis de me penser en tant qu’artiste.

©Amy Louise Baker: Dense Moss, 2019
30.5 cm de diameter, Tissage, broderie, tambour à broder.
©Amy Louise Baker: Lichen Cluster, 2019
45.7 cm de diameter, Broderie, Perles, sequins sur voile

Quel est votre processus créatif ?
Je suis toujours très curieuse d’apprendre les différentes techniques artistiques autour des fibres de toutes sortes. Je souhaite explorer comment les utiliser pour obtenir tel ou tel effet ou émotion.
Chacune de mes œuvres est en fait une expérience pour arriver à cette fin. A quoi va ressembler telle fibre ou tel point? Que se passe-t-il si je mélange plusieurs techniques?
Je crée à l’intuition, avec très peu de préparation. Généralement, j’ai plusieurs pièces en même temps, pour pouvoir passer de l’une à l’autre. En ce moment, je trouve intéressant de voir comment des matières créées par l’homme peuvent évoquer la nature. Et oui, j’ai une obsession pour la mousse et les lichens ! Au début, je recherchais des photos de mousse. J’ai été à la bibliothèque pour trouver des images de références, puis j’ai commencé à chercher dehors et à prendre mes photos moi-même. J’ai eu ainsi la chance de voir ces plantes, ces organismes si souvent ignorés dans un milieu urbain ou rural. Mon travail reflète ces formes naturelles mais peut être interprété d’une manière différence. Il oscille entre représentation et abstraction.

Quelles sont vos techniques et comment les choisissez-vous ?
La plupart de mes oeuvres sont réalisées en broderie ou tissées sur un métier.
J’utilise relativement peu de points différents, mon préféré étant le Point de Nœud ! J’aime la variété que je peux obtenir en changeant simplement la couleur ou l’épaisseur du fil. J’aime aussi essayer des tissus différents. Parfois j’ajoute des perles ou de la feutrine, pour donner une dimension supplémentaire.

La plupart de mes œuvres ne sont pas « techniquement » parfaites. Parfois je saute un point au tissage, ou un point de nœud est tordu. Mais c’est bien ainsi, je ne cherche par la perfection. Cela fait partie du charme !
Chacune de mes œuvres prend du temps. C’est un travail qui ne peut pas être fait rapidement. C’est très répétitif et j’aime ça. Dans la vie, je vais vite, j’agis vite, alors ce travail lent de création me ralenti. J’aime aussi qu’il ne requiert pas mon attention à 100%. Souvent je travaille en écoutant un podcast ou en bavardant.

©Amy Louise Baker: Dense Greenery, 2019
38 x 43 cm, Tissage

Qu’est-ce qui vous inspire en ce moment ?
Mes deux grandes passions sont les sciences et l’art. Tout ce qui rapproche ces deux thèmes me plait. C’est sûrement pour ça que j’aime tant broder la mousse !
J’aime explorer la tension entre le naturel et l’artificiel, entre représentation et abstraction. Je suis inspirée par les motifs trouvés dans la nature, du très petit, même du moléculaire, jusqu’au très grand, comme les galaxies… et tout ce qui se trouve entre les deux !

Parlez-nous d’une pièce qui a un souvenir particulier pour vous
Je pense que c’est Moss Cluster. J’aime beaucoup Instagram et je l’utilise pour partager mon travail, suivre d’autres artistes et trouver de l’inspiration. J’ai été très surprise quand j’ai vu tant de réponses positives sur cette œuvre. Les gens me demandaient comment je l’avais fait, et si elle était à vendre. L’intérêt était réel et a donné lieu à des discussions intéressantes. J’aime quand d’autres gens sont tout aussi attirés que moi sur un thème. Cela m’encourage énormément.

©Amy Louise Baker: Moss Cluster, 2019
20.3 cm de diameter. Broderie, feutrine, perles.
©Amy Louise Baker: Moss Garden, 2019
35,50 cm de diamètre. Broderie, Perles, feutrine

Comment votre travail a-t-il évolué depuis vos débuts ? Comment le voyez-vous dans le futur ?
Avec chaque pièce, j’apprends quelque chose de nouveau. Je deviens plus confiante et j’ose faire des choses plus risquées. Je pense que j’ai maintenant une assez bonne idée de ce que je veux faire et comment le faire.
Mais il y a aussi tellement de techniques que je n’ai pas encore essayées ! J’ai récemment acheté un crochet à clapet avec un kit. Ça sera ma prochaine expérience !
J’aimerai aussi travailler à des pièces beaucoup plus grandes. Je suis aussi en train de voir comment incorporer mes broderies de mousses dans des moules de béton.

Quel serait votre conseil pour les futurs artistes textile ?
Allez-y! Je suis souvent distraite par autre chose au lieu de travailler à mon art. J’achète plus de matériel, je fais plus de recherches ou je pense à mon prochain post sur les réseaux sociaux. Parfois je suis trop fatiguée ou je n’ai pas d’idées. Je me trouve toujours des excuses pour ne pas travailler.
Mais tout ça ne sert à rien si vous ne travaillez pas. Donc mon conseil serait d’arrêter de procrastiner et d’y aller ! Même si c’est moche, même si vous n’avez pas d’idées ou que vous êtes fatigué. Allez-y, faites quelque chose même pendant 10 minutes. N’importe quoi. Aucune excuse. MAINTENANT !

Pour plus information: www.amylouisebaker.com et Instagram

Article original de Heidi Ingram, paru sur Textileartist.org
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