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Deuxième époque – Du début du Christianisme à la Réforme
Marcelle (325-410, Italie)
Marcelle était une patricienne romaine, qui fut canonisée par le Vatican pour son rôle dans la fondation du monachisme féminin à Rome.
Son set de table
Son set est décoré de symboles liés à sa sainteté et à l’Église chrétienne. Le tour du set représente le plan des premières basiliques chrétiennes. Le devant du set est tissé de poils de chameaux, évoquant les chemises ainsi portées par les moines par pénitence (cilices).
Une orante est brodée sur le devant du set. La prière était depuis longtemps illustrée par les bras levés vers le ciel, symbolisme repris par les chrétiens. Chicago voulait ainsi montrer comment l’Église chrétienne avait repris l’iconographie traditionnelle à son compte.
Sur le dos du set sont brodés d’autres symboles : le manuscrit (symbole de la connaissance, quand les monastères étaient souvent les seuls lieux où les femmes avaient accès au savoir), le poisson (le mot grec pour « poisson » porte les initiales de « Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur » – ce code était utilisé par les premiers chrétiens pour se reconnaître à l’époque des persécutions), la houlette ou crosse (symbole de l’autorité), le triangle (symbole féminin repris par l’Église pour désigner la Sainte Trinité) et le bateau (symbole de l’Église portant les chrétiens en sécurité sur les eaux dangereuses, et symbole de Marcelle devant braver les dangers pour fonder son monastère).

Marcelle
Sainte Brigitte (453-523, Irlande)
Sainte Brigitte était une chrétienne qui fonda des couvents et des monastères en Irlande. Elle est l’une des saintes les plus populaires de ce pays.
Son set de table
Le devant est décoré d’un panneau de bois sculpté du nœud celte, très connu dans le Nord de l’Europe. Sur le dos du set se trouve une croix en bois de chêne, dont le dessin est basé sur celui de Muiredach . Le chêne ainsi que la soie aux couleurs de bois représentent le premier monastère fondé par Brigitte, Kildare ou l’église de chêne.

Sainte Brigitte
Théodora (500-548, Constantinople)
L’impératrice Théodora était née dans les plus basses couches de la société byzantine. Elle saura cependant atteindre le plus haut sommet politique, régnant avec son mari Justinien sur l’Empire.
Son set de table
Chicago a utilisé l’iconographie et les mosaïques byzantines pour mettre en avant le rôle important de Théodora dans la construction de l’Empire Byzantin.
Un halo ressemblant à une mosaïque est brodé sur le set, l’assiette posée au milieu. Cela fait référence aux mosaïques de Ravenne, et rappelle l’influence de Théodora à la fois dans le domaine politique et religieux.
Son initiale est surmontée d’une broderie évoquant Sainte-Sophie, le monument le plus célèbre de son règne, construit en 532-537. Le dos du set est brodé d’un demi-coquillage, référence aux colliers portés pendant cette période.

Théodora
Hrosvitha (v. 935 – 1000, Saxe)
Hrosvitha est la plus ancienne poétesse connue d’Allemagne. Elle a rédigé des ouvrages de spiritualité, des travaux historiques et les premières œuvres dramatiques après l’antiquité. Son nom signifie Voix Forte ou Solide Renommée.
Son set de table
Son set est brodé selon les techniques de l’Opus Teutonicum (Oeuvre Germanique), le style dominant de son époque. Les macarons sur le devant du set rappellent les pièces de monnaie qu’avaient le droit de fabriquer les abbesses. Chaque macaron fait référence à des scènes de l’histoire ou du folklore germanique.
Sur le dos du set sont brodées des scènes de sa vie, illustrant les activités des moniales médiévales : chanter, jouer d’un instrument, écrire, etc.
Son initiale est brodée sur le devant du set, enluminée à la manière des manuscrits de l’époque. Un portrait de Hrosvitha la montre une plume à la main, écrivant son œuvre.

Hrosvitha
Trotula (morte en 1097, Italie)
Trotula de Salerne était un médecin, spécialisée dans le traitement des troubles gynécologiques. Elle écrivit plusieurs ouvrages sur le sujet.
Son set de table
Chicago a utilisé l’Arbre de Vie pour illustrer sa vie. Ce très ancien symbole, repris par l’Église chrétienne, est l’emblème de la vie et de la régénération.
Le point de broderie connu sous le nom de Trapunto (boutis) est utilisé pour broder l’ensemble du set, à la manière d’un quilt (courtepointe) du XIème siècle (Sicile). Le tissu blanc évoque les langes des nourrissons.

Trotula
Aliénor d’Aquitaine (1122-1204, France)
Reine de France et d’Angleterre, elle fut l’une des femmes les plus puissantes de son temps. C’est aussi à son époque que se développa l’amour courtois, et les règles de comportement des chevaliers à travers toute l’Europe médiévale.
Son set de table
La Fleur de Lys est partout présente, symbole à la fois de la France et de la Mère de Dieu dont le culte se popularise à cette époque.
Le set reprend les tapisseries réalisées par les femmes nobles pour couvrir les murs de leurs châteaux et des églises. Les motifs sont repris des fameuses Tapisseries de la Dame à la Licorne (1495-1505), dans lesquelles des licornes mystérieuses sont représentées au milieu d’un corral. L’assiette est aussi entourée d’un corral, qui symbolise sont emprisonnement par son mari Henry II et compare son pouvoir à celui des licornes mythiques. Les fleurs qui couvrent le set rappellent le motif des Mille Fleurs, très en vogue sur ces tapisseries.

Aliénor d’Aquitaine
Hildegarde de Bingen (1098-1179, Allemagne)
Religieuse mystique, docteur de l’Église depuis 2012, Hildegarde a eu une très grande influence sur le clergé de son temps. Les évêques venaient la consulter à une époque où les femmes n’avaient aucun rôle dans l’Église.
Son set de table
Le set reprend les éléments de l’architecture gothique, dont la fameuse arche permettant aux architectes de bâtir des églises de plus en plus hautes. Chicago utilise les techniques de l’Opus Anglicanum (Œuvre Anglaise) pour broder les différents motifs. L’utilisation de cette technique ainsi que les fils d’or étaient souvent réservée aux ornements liturgiques et aux habits de cour. Son utilisation ici permet de relier Hildegarde aux évêques et rois qui venaient la consulter.
Sur les bords du set sont également brodés des vitraux : de nouvelles techniques permettaient leur développement au XIIème siècle.

Hildegarde de Bingen
La Reine Élisabeth (1533-1603, Angleterre)
La reine Élisabeth 1ère ou Élisabeth R. comme elle aimait l’écrire, était la fille de Henri VIII Tudor. Son règne est surnommé l’Age d’Or. Elle sut apaiser son pays divisé par les conflits religieux, protéger l’Angleterre de l’invasion espagnole tout en maintenant son indépendance d’esprit en refusant de se marier.
Son set de table
Les motifs sont réalisés à la Broderie Noire, une technique très populaire à son époque, comme on peut le constater sur nombre de ses portraits.
Son initiale accouplée de la lettre R pour Regina (reine) est brodée selon la propre écriture d’Élisabeth, symbolisant son refus d’être contrôlée par quiconque.

Elisabeth Ière
Anna van Schurman (1607-1678, Pays-Bas)
Elle était considérée comme la femme la plus instruite d’Europe au XVIIème siècle. Elle remit en question le rôle des femmes dans la société. Elle aida ainsi à favoriser l’éducation des femmes qui en avaient le temps et les moyens.
Son set de table
Les points utilisés sont ceux qu’on retrouve dans les broderies hollandaises du XVIIème siècle. Les jeunes filles devaient réaliser ces « samplers » (modèles) pour prouver leurs vertus de femme (docilité, obéissance, patience). Ces broderies symbolisent les limites que les femmes connaissaient alors dans leur éducation, et combien on leur demandait de « penser petit ».
Les motifs sont aussi ceux de l’époque : au dos du set, un panier de fleurs (symbole de renaissance) et un lapin (timidité). Deux anges flanquent le nom de Schurman, réfléchissant ainsi son importance dans les changements religieux qu’elle a provoqués.
L’une de ses plus fameuses citations est brodée sur le devant du set : « La femme a le même desire de s’instruire que l’homme, les mêmes idéaux, et pourtant elle doit rester emprisonnée dans une âme vide dont toutes les fenêtres sont fermées. »

Anna van Schurman
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