La broderie dans les textes anciens

16/07/2019

A défaut de restes tangibles pour se faire une idée des broderies du passé, Ernest Lefébure, directeur du Musée des Arts Décoratifs de Paris, utilise les textes antiques pour nous en parler… en 1888.
Extraits et références tirés de Broderie et dentelles.

Textes grecs :
Dans L’Orestie, Eschyle (-525/-456 environ) décrit comment Agamemnon à son retour de Troie refusa de poser ses pieds sur une tissu richement brodé en son honneur, tant il était beau.
Les Grecs arrivant en Mésopotamie sont visiblement émerveillés par la beauté des broderies des Perses : certains tissus sont recouverts d’or et de pierres précieuses, d’autre sont d’une finesse extrême (mousseline) brodés de fleurs (Strabo, Livre 15, chapitre 1).

 Assurbanipal, roi d’Assyrie (-686/-628) – British Museum – Notez la finesse des broderies de ses tuniques

Aristote, dans son Histoire Ancienne au Livre 19, raconte que les soldats d’Alexandre le Grand découvrirent le coton en Inde vers – 333. Ne sachant comment l’appeler, ils en parlent comme de la «laine d’arbre» ou de la «laine produite par les noix».

Drap de lin fin (- 1492) Egypte / Fil à tisser (-1295/- 1070) Egypte – MET New York

Textes latins :
Les mythes grecs, repris par les auteurs latins ne sont pas avares de descriptions non plus.
Les Grecs attribuaient l’invention de la broderie et du tissage à Athéna (Minerve chez les Romains). Celle-ci était une artiste de grand talent mais une jeune fille humaine, Arachné, semblait lui faire de l’ombre par son talent. Vexée, Minerve la transforme en araignée (Ovide, Les Métamorphoses).

Homer mentionne cet art dans L’Iliade : « Dans son palais, Hélène brodait un grand tissu aussi blanc que l’albâtre, décrivant les combats des Troyens et des Grecs. Les uns, démontrant leur talent à dresser les chevaux, les autres dans leur cuirasse de bronze ; tous se battant par amour pour elle. »

Lekythos (amphore à huile) en terre cuite (-540), attibué à Amasis- MET, New York
Scènes en lien avec la fabrication des tissus

Homer encore, dans L’Odyssée, rapporte que le manteau d’Ulysse était fait en « lin fin, de pourpre, fermé par une broche en or. Le devant du manteau est brodé d’une scène de chasse aux chiens. Les animaux sont brodés à l’or et si bien représentés qu’ils ont l’air vrai».

D’après une description assez complète fournie par Virgil, dans L’Énéide, on peut facilement concevoir que la broderie avait atteint un niveau très avancé dans l’art de reproduire la nature. Énée offre à Cléanthe un vêtement superbe : « Une cote d’arme tissée d’or, bordée par ondes tout autour de deux bandes de la plus belle pourpre. La broderie représente le jeune Ganymède dans la forêt du mont Ida. Ce prince poursuit à coups de flèches des cerfs qui fuient devant lui. On le voit plein d’ardeur et hors d’haleine. Et à ce moment l’aigle de Jupiter tombe des nues, l’enlevant dans ses serres ».

En Inde, la finesse des tissages de coton avait inspiré les noms les plus poétiques : abrawan (eau courante), bafthowa (air tissé), shubanam (rosée du soir). Lucain dans La Pharsale relate la visite de César à Cléopâtre. Celle-ci organise des festins et des spectacles. Les danseurs sont vêtus de voiles si fins qu’ils sont à peine visibles. Il s’agit probablement de mousseline de coton.

Les secrets de la soie, originaire de Chine, était jalousement gardés. Il faut attendre les conquêtes romaines pour qu’elle apparaisse en Occident. Et pendant plusieurs siècles elle ne pouvait être qu’achetée et non fabriquée. C’est Virgil qui semble avoir été le premier auteur romain à en parler dans ses Géorgiques (-29). A l’époque de Tibère (-42 /+37), la soie est vendue littéralement à prix d’or : un kilo de soie pour un kilo d’or.

Enfin, Lefébure mentionne Pline l’Ancien selon qui l’invention des fils d’or serait dû au roi Attalus (Histoire Naturelle, livre 8). Vrai ou pas, ce qui est important de noter ici c’est qu’il est tout à fait normal pour un auteur aussi prestigieux que Pline, de mentionner les broderies au fil d’or.

Achille et Ajax jouant aux dés – Amphore peinte par Exékias (-540) – Musée du Vatican
Les capes de deux hommes sont manifestement brodées très finement
Plaque avec Famille royale, Chandraketugarh, 1er siècle avant Jésus-Christ, MET New York. Il faut vraiment voir la finesse des tissus, notamment la jupe de la femme.

Textes hébreux :
Selon la tradition Égyptienne, l’invention du tissage du lin nous vient d’Isis. Mais elle reste réservée aux classes dirigeantes et sacerdotales. Les Hébreux, qui ont longtemps cohabité avec les Égyptiens, l’utilisent dans le même cadre : dans la Bible, Exode, chapitre 28 nous trouvons de longues descriptions des vêtements des prêtres, de leur forme à leurs couleurs en passant par leurs décors. « Voici les vêtements qu’ils feront : un pectoral, un éphod, une robe, une tunique brodée, une tiare, et une ceinture. Ils feront des vêtements sacrés à Aaron, ton frère, et à ses fils, afin qu’ils exercent mon sacerdoce. Ils emploieront de l’or, des étoffes teintes en bleu, en pourpre, en cramoisi, et de fin lin. Ils feront l’éphod d’or, de fil bleu, pourpre et cramoisi, et de fin lin retors ; il sera artistement travaillé. »

Ézéquiel (chapitre 28) se lance dans une longue description des marchandises transitant par Tyr, mentionnant entre autres le lin brodé dont les habitants faisaient des voiles. Les broderies étaient listées au même titre que les pierres précieuses : « A cause du grand nombre de tes produits : d’escarboucles, de pourpre, de broderies, de byssus, de corail et de rubis ».
Le roi David, lui, a chanté la beauté des fils d’or dans les Psaumes.
Dans la Guerre des Juifs, Flavius Josèphe décrit le voile présenté par Hérode en -19 pour orner le temple. Il faisait 23 m de long sur 6 de large, brodé de toutes les couleurs pour représenter les étoiles, l’univers et les éléments.

La tenue du Grand Prêtre, Bible.free.fr

Il ne nous reste que notre imagination pour nous faire une idée de toutes ces merveilles perdues…

Fragment de tuile peinte provenant du palais de Ramses II: torse d’un captif mésopotamien (-1279/-1213)

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