A 16 ans, Leslie entre à l’École Boulle car la sculpture l’intéresse. Puis elle se dirige vers la peinture à travers la restauration de tableaux (XV-XXème siècles), l’étude des techniques picturales anciennes et modernes et enfin s’inscrit à 33 ans à ses premiers cours de broderie chez Lesage.
Un parcours peu ordinaire pour une femme en constante recherche de techniques pour mieux exprimer avec toute la liberté de l’artiste pluri-forme ce qu’elle porte en elle.

Persistance 6
Il y a un aspect « Renaissance » chez Leslie, qui sait prendre le temps d’assimiler chaque nouvelle acquisition pour l’utiliser ensuite dans son travail personnel. « Il me manquait un bras » dit-elle en souriant : la broderie est venue compléter harmonieusement, presque organiquement, les techniques de sculpture et de peinture déjà connues.
Elle est fascinée par les matières, leurs couleurs, leur brillance. Elle aime les toucher aussi.
Finalement, la broderie regroupe plusieurs arts : la profondeur et la matière de la sculpture, la couleur et le dessin de la peinture.
Persistance 2
L’apprentissage de la restauration de peinture de chevalet a permis à Leslie de comprendre l’importance des premières couches, des premières strates qui vont ensuite influencer ce qui sera visible, comme notre mémoire qui influence notre présent. Ce jeu de strate deviendra très important pour Leslie : commencé avec son travail de diplôme à l’École Boulle avec une installation permettant le voyage dans une photo, il réapparait pour illustrer subtilement le travail sur la mémoire à travers la broderie. Pour cela, Leslie utilise plusieurs couches de tissu (lin, soie). Sur ses dernières œuvres, une photo ancienne est peinte sur une toile de lin. Puis une seconde toile de soie, voir une troisième est brodée et posée sur la première.
La mémoire est souvent un ajout de strates et l’œuvre de Leslie Lucas nous permet de mieux saisir ce phénomène.

Erable
Mais la mémoire n’est pas figée – elle est au contraire faite de mouvements. Sur des photos anciennes retrouvée dans les albums de sa famille, chez des amis ou même dans des brocantes, Leslie décèle un non-dit qui a besoin d’être enfin formulé. Des gens qui ont été oubliés, dont elle ne recherche d’ailleurs pas le nom, lui racontent des bouts de vie, des histoires, des émotions que Leslie brode, leur redonnant vie.
Car c’est bien ces personnages du passé qui s’expriment. « A un moment ces visages, ces silhouettes prennent vie et je ne maitrise plus rien. Je les suis. Je suis leur outil. » La broderie, le choix des couleurs ou des motifs vient souvent en peignant les visages, mais parfois il faut plusieurs mois pour qu’enfin une photo se mette à «parler» et que Leslie puisse plonger dans la mise en art de ces mots.
In-connu 1
Son œuvre récente joue sur l’impact de la mémoire sur notre présent. Dans «Mémoires» (2019) l’artiste dépeint une rencontre entre deux visages oubliés. Mais c’est aussi notre regard qui entre en correspondance, c’est le regard du spectateur du XXIème siècle qui ajoute une mémoire vivante. La mémoire est constamment chamboulée, transformée, redite.

Mémoires
Dans son travail pour l’École Boulle, Leslie avait interrogé les cinq frères et sœurs de sa Grand-Mère qui avaient posés pour une photo, enfants. Chacun a pu raconter son souvenir de ce moment. Et à chaque fois ce souvenir était différent de celui des autres. Subtilement, par transparence Leslie Lucas nous invite à revoir nos certitudes, tout en délicatesse.

Ecole Boulle – Installation – 2005
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Email : leslielucas@live.fr
Crédit photos : Leslie Lucas
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