Les broderies royales de Marie, reine d’Ecosse

15/10/2019

Le 16ème siècle n’était pas avare de rois, de complots ou d’exécutions ! Mary, reine d’Ecosse a connu un destin assez particulier mais on ne sait pas toujours qu’elle a aussi été une grande brodeuse ! Comme toutes les jeunes filles, elle savait broder, mais ayant dû passer 18 ans « sous les verrous » (très confortables, les verrous !), la broderie est devenu son passe-temps favori.
Le Victoria et Albert Museum de Londres (une mine pour les amoureux des fils !) possède une belle collection de ses broderies. Découverte.

Portrait miniature de Mary Reine d’Ecosse, Nicholas Hilliard, 1578 / P.24-1975 © Victoria and Albert Museum, London

« J’ai demandé à sa Majesté comment elle passe son temps. Elle m’a répondu qu’elle brode toute la journée, que la variété des couleurs rend ce travail moins fastidieux et qu’elle continue jusqu’à ce que la douleur la fasse arrêter. » Nicholas White, envoyé d’Élisabeth 1ère, lui rapportant son entretien avec Mary Stuart.

Tenture Marian – Les oeillets d’Inde / T.29-1955 ©Victoria and Albert Museum, London
Les marygold (oeillets – l’espoir dans l’adversité) représente un symbole fort pour la captive royale
Tenture Oxburgh – Un Pélican / T.33X-1955 ©Victoria and Albert Museum, London

La vie de Mary (catholique) est marquée par les tensions religieuses entre les catholiques et les protestants. Mary pouvait prétendre au trône d’Angleterre, étant la petite-nièce d’Henri VIII. Comme le divorce d’Henri VIII avec Catherine d’Aragon n’est pas reconnu par les Catholiques, son mariage avec Anne Boleyn est illégitime à leurs yeux. Élisabeth, fille d’Henri VIII et d’Anne Boleyn est considérée également comme illégitime par les catholiques.
Après bien des (més-)aventures, Mary se retrouve emprisonnée par la couronne d’Angleterre et passera les dernières 18 années de sa vie déplacée d’un château à l’autre, toujours surveillée.
Après sa mort en 1587, les panneaux brodés connus sous le nom de Oxburgh Hangings, sont offerts à Ann Dacre, comtesse d’Arundel. Les panneaux sont montés sur un velours vert, probablement au 17ème siècle. Il y a 4 ensembles : le Marian Hanging, le Shrewsbery Hanging, le Cavendish Hanging et le Oxburgh Valance.

Tenture Oxburgh – Une caille / T.33Z-1955 ©Victoria and Albert Museum, London
Tenture Oxburgh – Un Paon / T.33K-1955 ©Victoria and Albert Museum, London

Ces panneaux vieux de plus de 400 ans montrent non seulement les talents de brodeuse de Mary, mais également comment elle pouvait exprimer ses sentiments et ses émotions, alors que toute sa vie était rigidement contrôlée.
Mary pu développer une vraie amitié avec Bess of Hardwick, la femme de son « geôlier », George Talbot, sixième duc de Shrewsbury.  Grande brodeuse également, elle passera de longues heures à travailler avec Mary.
Il était d’usage pour les femmes de la haute société de broder ensemble sur de grandes compositions qui étaient ensuite cousues pour former des tentures ou pour recouvrir des meubles.

Chacune de ces tentures se construit autour d’un rectangle central, entouré de panneaux octogonaux plus petits portant des lettres ou des symboles et d’autres cruciformes décorés d’oiseaux, d’animaux et de poissons.
Ensemble, ces compositions nous montrent quelles étaient les références picturales de Mary : motifs domestiques (abeilles, faucons, chien), exotiques (éléphant, tigre, dauphin) ou fantastiques (dragon, licorne). Les plantes sont très présentes, du pissenlit au palmier. Ces motifs proviennent de gravures sur bois imprimées dans des « livres d’emblèmes » (illustrations allégoriques avec leurs significations), de livres de botanique et d’histoire naturelle, dont ceux des auteurs bien connus Claude Paradin, Conrad Gesner et Pierre Belon.

Tenture Oxburgh – Un Eléphant / T.3GG-1955 ©Victoria and Albert Museum, London

Les points employés sont solides car ces réalisations sont destinées à l’usage domestique (tentures souvent déplacées, couvre-lit, coussins, fauteuils). Il s’agit du point de croix et du petit point (un demi point de croix). Les fils sont en soie, en or ou en argent, brodés sur lin.

Tenture Marian – Les abeilles / T.29-1955 © Victoria and Albert Museum
Tenture Marian – Une licorne / T.29-1955 ©Victoria and Albert Museum, London
Tenture Marian – Pièce centrale / T.29-1955 ©Victoria and Albert Museum, London
Tenture Marian – Un Phénix / T.29-1955 ©Victoria and Albert Museum, London

Sur plusieurs panneaux on retrouve les monogrammes de Mary (MA sur la lettre grecque Φ) et de Bess (ES). Les panneaux « signés » par Mary seront par la suite cousus ensemble sous le nom de Marian Hanging.
On retrouve certains symboles qui montrent la volonté de Mary de communiquer avec ses « sujets », alors que tous ses mouvements et ses lettres étaient sous surveillance. On a ainsi le phénix (qui renait de ses cendres), le chat roux (Élisabeth) et la souris grise (Mary), la marigold (œillet d’Inde) qui joue sur les mots (Mary’s gold, l’or de Marie), se tournant vers le soleil pour indiquer le courage dans l’adversité), et la rose jaune attaquée par des chenilles qui évoquent le désespoir dévorant.
Au centre se trouve une vigne et une main tenant une serpette, avec ces mots : « Virescit Vulnere Virtus », Des plaies nait la vertu. Le motif fait référence à la revendication du trône d’Angleterre par Mary, suggérant qu’il faut couper les branches sans fruit (Élisabeth n’a pas eu d’enfant).

Mary sera décapitée en 1587 à Fotheringhay Castle.

Tenture Oxburgh, Un Chien / T.33P-1955 ©Victoria and Albert Museum, London
Le monogramme MR est tout juste perceptible, au dessus du dos du chien.

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