Le Gujarat est l’Etat indien le plus à l’ouest du pays, très ouvert sur l’Océan Indien.
Les hommes de la caste Mochi étaient spécialisés dans la réparation et la décoration d’éléments en cuir tels que chaussures, ceintures, tapis, selles et harnachements pour chevaux, etc. Ils utilisaient un crochet du nom de Ari et une aiguille pour créer de très fines bandes au point de chaînette.

A noter l’influence chinoise pour le dessin du paysage et européenne pour le dessin réaliste des fleurs

Veste de Chasse-IS.18-1947 ©Victoria and Albert Museum London
Cette veste a été créée pour un homme de la cour de l’empereur Moghol vers 1650. Une bande est laissée libre autour du cour pour attacher un revert de fourrure.
Marco Polo (1254-1324) avait déjà mentionné la beauté de cette technique dans ses livres, et dès que les voies commerciales entre l’Europe et l’Inde se sont ouvertes (au début de 1600), les importations de tissus richement brodés se sont multipliées.
Les Portugais furent les premiers importateurs, mais la plupart des objets qui nous restent proviennent du commerce anglais. La Compagnie des Indes Orientales exportait ces broderies depuis le port de Kambay, d’où leur nom de Broderies de Kambay. Ces tissus brodés étaient principalement utilisés dans l’ameublement (tentures murales, rideaux de lits, etc.).

Détail 54.21 ©MET New York
Ce tissu est l’un des premiers exemples importés en Angleterre (Ashburnham House – Sussex)

Couvre-lit ou tenture, 17ème siècle 54.21 ©MET New York

Tenture IS.155-1953 ©Victoria and Albert Museum London
Le bleu est obtenu avec l’indigo et le rose par la cochenille Kerria lacca.
La broderie du Gujarat
Les brodeurs travaillaient en groupe, sous l’autorité d’un responsable, chargé des négociations et des contrats. Le travail était réalisé en suivant les saisons. Les tissus devaient être teints sous le soleil d’automne puis la broderie réalisée pendant la saison des pluies car l’humidité renforçait les fils délicats. Les contrats devaient donc être passés avant la mousson.

Autre exemple de la maison Ashburnham – Tissu de coton, broderie aux fils de soie.
Adaptation aux goûts occidentaux
Au cours du 17ème siècle, les brodeurs du Gujarat se sont adaptés aux goûts occidentaux, tout en étant influencés par les motifs Chinois. Le résultat est un ensemble d’imageries chinoises, indiennes et occidentales qui a complètement fait disparaitre les motifs originaux.
On retrouve généralement un motif floral dans des tons jaunes, verts et roses. Des animaux de plusieurs pays (léopards tachetés, daims, écureuils, oiseaux, insectes) sont réalisés dans des couleurs contrastantes. La broderie est si fine qu’il faut souvent s’approcher très près pour constater que ce n’est pas un imprimé.


Tissu brodé, soie sur coton, IS.298-1954 ©Victoria and Albert Museum London
Le motif imite de très près les motifs anglais de la broderie Crewel (passé plat, point de treillis, point fendu, point de tige, etc.) mais est entièrement réalisé au point de chaînette

Tenture Fin 17ème siècle, IS.152-1953 ©Victoria and Albert Museum London

Oiseaux, papillons et insectes évoluant dans de larges chrysanthèmes roses entourés de feuillage vert. Notez la partie inférieure: scène de chasse aux cerfs et aux lapins
Au 18ème siècle, c’est le goût français qui influence les motifs, en particuliers ceux en provenance de la Côte du Coromandel et ses « indiennes imprimées » ou « palampore ». Connu aussi sous le nom de Chinoiseries, ces motifs se caractérisent par un dessin exotique incorporant des éléments architecturaux. A la ligne verticale, on préfère de plus en plus la ligne diagonal. Apparaissent peu à peu des tissus brodés pour la réalisation de vêtements.
A voir aussi un couvre-lit du Fine Arts Museum de Boston : ici et ici.
Couvre-lit, début 18ème siècle – 68.61 ©MET New York
Broderies de soie sur coton, motifs influencés par les Palampore (tissus imprimés)


Palampore, 1700-1720 – IS.29-1889 ©Victoria and Albert Museum London

Tissu pour robe, 18ème siècle, T.20-1947 ©Victoria and Albert Museum London
Il faut vraiment regarder de près pour voir que c’est de la broderie!
Partager